Voilà à quoi ressemblait ma vie, un grand vide, le silence, un mur blanc…
Lorsque l’angoisse devient si forte qu’elle n’hésite plus à prendre une à une les choses que l’on aimait, vient nous faire plier, et rester comme victime consentante d’un bourreau inconnu.
Je voulais être ou paraitre fort pensant comme beaucoup d’enfants que la force résidait dans sa capacité à souffrir, à cacher ses émotions.
J’ai donc tout caché, jusqu’à ce qu’il ne reste rien de moi, jusqu’à disparaitre.
J’étais devenu le roi du silence.
Il m’aura fallu 10 ans pour terminer cette musique, la peur sait tuer bien des choses…
Au fond, j’avais tort, il faut la force d’un roi pour s’assumer.
Ce morceau… c’était mon rêve… ainsi que mon cauchemar…
Sa composition a débuté il y a maintenant 4 ans, ce qui signifie que ce morceau est plus vieux que Another Edge, qui est mon troisième.
Pour se faire une idée, l’ébauche de cette vieille composition était très courte et ressemblait fortement aux 30 premières secondes du morceau actuel.
Je sentais déjà un potentiel exceptionnel, c’est pour cette raison que j’y ai vu un rêve et une envie de terminer ce qui serait peut-être ma plus belle création.
Pourquoi alors je ne l’ai pas terminé plus tôt ? La réponse est simple…
J’ai eu peur…
Elle est alors restée à attendre, et moi à contempler avec culpabilité cette œuvre inachevée, bloqué face à mes propres limites.
C’est pour cette raison qu’elle était également mon cauchemar.
J’ai alors, pour me rassurer, terminé des compositions moins ambitieuses, mais qui fatalement me plaisaient moins, perdant petit à petit l’estime de mon travail.
Depuis quelques années, j’ai remarqué que fréquemment nous restions volontairement dans un certain négativisme pour tenter de nous préparer à une souffrance et ainsi essayer de s’y soustraire.
Le problème, c’est que chercher à éviter une souffrance c’est déjà une peur en soi.
Donc, en tentant de me rassurer, je ne me permettais pas de terminer la plus belle chose que je pouvais faire, et donc d’être fier de ma création, ainsi que de moi.
De ce fait, cette composition représente assez bien les limites que je m’imposais…
On m’a souvent décrit la dépression comme une étape durant laquelle on était comme perdu dans le noir, n’arrivant pas à retrouver le chemin de la lumière.
Dans mon cas, j’ai plus le sentiment d’avoir été piégé dans la lumière d’un lampadaire, zone que je jugeais « sécurisante », entouré par la noirceur de mes peurs.
C’est pour ça que je trouve l’image de couverture que j’ai choisie, parfaitement adaptée à ce propos. Le lampadaire représente par sa lumière ce petit espace de « sureté » dans lequel j’étais enfermé.
Franchir cette limite, c’était se confronter à l’inconnu et donc potentiellement à la souffrance, mais aussi à la satisfaction de se voir y résister.
C’est ce que j’ai fait, pour ce morceau, mais aussi pour le reste de ma vie, j’ai quitté cette zone lumineuse, pour franchir les frontières que mes peurs m’avaient fixées, allant au-delà de ces limites, agrandissant mon aura de lumière.
Le moment de la composition de reborn again, coincide avec le moment de ma vie où j’ai enfin pris conscience que tout dans nos vies était en équilibre constant, et que le monde était imparfait acceptant avec libération que moi aussi je l’étais.
Pour être honnête, à la base, je n’avais pas dans l’idée de terminer ce morceau, c’est une personne qui m’en a donné l’envie.
Je l’avais fait écouter lorsqu’elle…..
Était encore à l’état « d’oeuvre inachevée» à deux amis dont l’un était danseur.
Là où, à mon oreille, je considérais cette musique comme moins intéressante que d’autres que j’avais pu faire, lui, apporta un regard bien différent.
Celui d’un danseur de break dance, appréciant chaque changement de rythme comme autant de couleurs expressives pour lui.
À le voir danser sur ma musique, j’ai eu le sentiment qu’elle prenait vie, et surtout que je ne faisais pas tout ça pour rien.
J’étais heureux de ce sentiment qui m’envahissait: c’est pour cette raison que je l’ai terminée, pour qu’il puisse continuer à danser dessus.
Le nom est un clin d’œil au groupe Queen of the stone age.
Avec leur musique unreborn again, ils suggéraient qu’il fallait accepter la mort comme une fin naturelle. Reborn again signifiait alors pour moi, que la vie n’était pas figée, tout peut renaitre encore.
Dans ses paroles, j’ai eu le sentiment que 2pac se définissait comme un gars qui n’en a rien à foutre des lois et de la société.
Mais plus la musique avançait, plus cette image de façade laissait place à un homme y cherchant désespérément sa place.
Je ne sais pas si ce que je dis est vrai, mais j’ai eu envie de croire en cette vision que j’avais de lui, et c’est cette interprétation que j’ai essayé de retransmettre dans ce remix.
A partir de là, une douceur attendrissante se dégageait de ces paroles, contrastant avec la provocation du titre.
Le choix de cette photo était important pour moi parce qu’elle était quasiment la seule qui mettait en évidence une certaine tendresse en décalage total avec l’image qu’il pouvait donner de lui dans les médias et donc au monde, comme un masque.
Au delà de la provocation, pour moi, c’est de la vie dont 2pac parle, et cette vie, toi, comment tu la veux ?
Imagine, tu viens de boucler la composition de ta dernière musique, tu en es « content », et tu l’as postée sur les réseaux sociaux.
Quelques jours plus tard, tu es seul chez toi, un peu alcoolisé, (les jeunes sans dec buvez pas), tu te mets ce morceau en l’occurence Another Edge sur tes enceintes, et tu te laisses porter par la musique devant ton piano.
En jouant, tu te rends compte progressivement que ce que tu joues est vraiment sympa, tellement que tu finis par te dire:
« merde, j’aurai dû mettre ce que je suis en train de jouer dedans… ».
Ouais, mais je viens de la sortir il y a quelques jours, elle était finie, je fais quoi? Eh bien tu fais ça.
PS: et tu passes le restant de tes jours à te demander si c’était une bonne idée de mettre du piano dessus ou non au final ;).
Avant tout, je trouve cette photographie très belle, elle est de Mike Hollman, un excellent photographe qui m’avait donné l’autorisation d’utiliser cette image pour illustrer ma musique. Un énorme merci à lui au passage.
Dans cette image prise au Tokyu Plaza au Japon, j’avais le sentiment que la jeune femme au centre sortait d’un tunnel de miroir, et c’est ce détail qui m’a interpellé, ça m’a rappelé un souvenir de jeunesse.
Plus jeune j’ai fait plusieurs colonies de vacances dont une qui m’a particulièrement marqué, en Angleterre.
J’avais 15 ans, un âge ou on se cherche beaucoup.
Durant ces diverses colonies, je testais des attitudes et des postures, profitant de l’anonymat pour enfin réussir à m’intégrer socialement, et cette fois là ça avait bien fonctionné, j’étais aux yeux de mes camarades tout ce que je ne suis pas…
Un jour nous sommes tous allés dans une maison de la peur proche de BIG BEN.
À l’intérieur, un grand homme à la barbe et aux cheveux très longs déguisé avec un énorme manteau a commencé à nous mettre dans l’ambiance en essayant de nous faire peur. Très vite je me moquais de lui auprès des autres le surnommant Hagrid… (Que j’étais bête…). A la fin de ses explications, il nous conduisit vers une grande porte fermée coulissante en métal.
Durant ses dernières explications visant à nous faire peur encore, je continuais de le provoquer en faisant le malin (en réalité je raconte tout ça mais j’en suis pas super fier).
A ce moment il me regarda fixement, s’avança vers moi, me prit par le col, ouvrit la porte, me jeta violemment à l’intérieur de la salle et la referma. Au son de la fermeture de cette grande porte par réflexe je me retournais, et vis mon reflet, c’était un miroir.
Je regardais alors autour de moi, je me voyais partout dans une salle qui paraissait infinie, j’étais dans un palais des glaces…
Tous ceux qui ont tenté ce “manège” savent à quel point il est difficile de trouver son chemin dans un environnement pareil, ajoutant à cela qu’à l’intérieur la lumière était rare.
J’étais seul, perdu au milieu de cet univers froid et infini.
Mon assurance fictive laissa place rapidement à l’angoisse, comme jugé par tous ces reflets innombrables de moi qui me regardait comme pour me juger, je me souviens avoir craqué, la panique s’emparait de moi, j’étais perdu, déstabilisé, désespéré.
Au loin j’entendis des cris d’humains. J’entrepris alors de les suivre pour trouver ma route.
A genoux, je me relevai, et tentai de marcher, m’appuyant sur ces miroirs avec douleur… Puis enfin, je vis mes camarades, rassuré, je les rejoins vite, décidant de taire la vérité de ce qui était arrivé, je repris mon masque et continuais mon rôle à la perfection.
Je n’ai compris que des années plus tard ce qui c’était passé, j’aurais du comprendre que ce que je venais de vivre était comme un avertissement.
En réalité avant cet événement, et surtout après, jusqu’à mes 24 ans, j’étais enfermé dans ce palais des glaces sans m’en rendre compte.
Je pense que vous avez compris, la dépression pour moi c’est ça, ce désespoir de ne même plus savoir quelle route emprunter car chacune est un leurre.
Dans ces conditions, progressivement l’espoir diminue jusqu’à mourir complètement, entrainant sa propre perte par simple orgueil de ne pas accepter ce que l’on est.
Cette musique Another edge, je l’ai composée comme une frontière de franchie, ce qui je pense se ressent dans la musique comme si, à la fin surtout, quelque chose cherchait à grandir, avec difficulté, et enfin sortir du manège.
Cette photo était donc très importante pour moi, cette jeune femme qui avait comme réussi à sortir de ce palais des glaces, cette fois ce serait moi. Et ce fut le cas.
Qu’est ce qui avait changé: rien si ce n’est que j’avais des envies, c’était tout ce qui comptait.
Elle est surement la musique dans laquelle j’ai le plus donné de moi-même.
J’y ai mis toute mon âme, à cette époque rien d’autre ne comptait, il ne me restait plus que ça. Et quand je l’écoute, j’ai vraiment l’impression qu’elle représente un énorme cri du cœur, comme si quelqu’un cherchait à exister envers et contre tout.
Comme un envol vers quelque chose d’autre, quelque chose de désiré.
C’est pour cette raison que j’ai choisi cette image, la personne, les deux pieds sur terre regardant au-dessus d’elle cette rampe de lancement vers le ciel.
Il y a une grande puissance qui émane de cette musique, mais aussi beaucoup de sensibilité, comme si l’une et l’autre cohabitaient ensemble.
Elle représente bien le désordre émotionnel qui régnait en moi à cette époque, où j’étais encore terrassé par les angoisses.
Malgré ça, et c’est le plus important je pense, j’étais sur terre et j’existais…
Dans ma vie, j’ai commencé la musique jeune. À 8 ans, ma mère souhaitait me faire faire une activité, et ce fut la musique.
On me demanda alors de quel instrument je souhaitais jouer, je répondis alors « de la batterie ».
Pas parce que j’aimais cet instrument plus qu’un autre, mais parce que j’étais très timide, et que je pensais que derrière les tambours on ne me verrait pas… (j’avais pas pris en compte que j’étais du coup celui qu’on entendrait le plus).
Bien plus tard, vers mes 17 ans, je découvrais le piano, en tombais fou amoureux, et eu le rêve de devenir compositeur de musique orchestral.
Nous sommes en hiver 2014, je suis en première année d’études d’ingénieur du son à Paris.
Habitant en banlieue, j’étais obligé d’emprunter les transports en commun pour rejoindre mes cours.
J’adorais ça, surtout le RER, j’avais l’impression d’être un vrai parisien, comme mon frère.
Durant ces trajets, je ressentais une atmosphère singulière, ces tags, ce béton, ces rails, une culture de la street se dégageait violemment de cet environnement.
Si je devais la caractériser en musique je dirais sans hésiter une ambiance à la Mobb Deep – Shook Ones.
Le trajet durait une trentaine de minutes que j’occupais sur mon vieux 3GS (ce qui ne rajeunit pas), avec une application, beat maker, ni plus ni moins un sampler de 16 pad lançant des boucles sonores.
En parcourant les sons, j’en remarquais deux qui se mariaient particulièrement bien à mes yeux et que je prenais plaisir à jouer sans but.
C’est à ce moment précis, sans le savoir, que la création de ce qui sera ma première vraie composition a commencé.
Les mois passèrent et un élément a bouleversé ma vie, un soir, alors que j’étais seul chez mes parents, j’ai eu une crise d’angoisse, une terrible crise d’angoisse, extrêmement forte et incontrôlable, tellement que je compris mieux d’un seul coup le tableau « le cri ».
J’avais déjà vécu des crises d’angoisses, je me suis donc dit assez naturellement demain ça passera. Le lendemain sans grande surprise, cette angoisse latente était encore présente. Pourquoi? Pourquoi je ressens cette douleur dans mon esprit? Pourquoi ne passe-t-elle pas comme d’habitude?
Parce que cette fois rien ne l’avait annoncée, rien ne l’avait provoquée ou du moins rien que je pouvais discerner, donc potentiellement, tout pouvait en être la cause:
voilà comment se crée la phobie de la peur elle-même.
J’arrêtai du jour au lendemain de faire tout ce qui pouvait provoquer une expérience similaire, balayant de ma vie tout événement négatif mais également positif, tout bouleversement d’état d’esprit pouvant engendrer une crise de panique, me créant une vie sans surprise, sans étonnement, sans joie, sans peine, sans rien.
Petit à petit, tu comprends ne plus pouvoir faire les choses simples que tu faisais avant, et tu te regardes également perdre les choses que tu aimais, comme enfermé dans une pièce qui se rétrécit et se vide de tes biens.
J’avais souvent le sentiment que c’était une personne qui me prenait tout, j’étais déchiré à chaque concession, mais j’y étais contraint.
L’une d’elle fût d’arrêter de jouer du piano, j’étais obligé, parce que je vivais un rapport passionné avec lui, et qu’à chaque morceau que je jouais je ressentais énormément d’émotions, je ne pouvais pas prendre le risque qu’une émotion de tristesse me déclenche une angoisse.
Mais il faut croire que la passion est plus forte que tout puisque quelques mois plus tard, comprenant que je ne pourrais pas créer de musique orchestrale dans cet état, je réécoutais les deux petites boucles par hasard présentes sur mon portable et spontanément je créais une musique avec celle-ci..
Cette musique c’est White wall.
Le mur blanc, ce béton brut, sans rien dessus, ce grand espace vide, lisse, beau de par sa seule existence, juste pour ce qu’il est, sans artifice.
J’aimais cette image minimaliste au sens simple de la représentation d’un être, et qui mieux que le Corbusier pour illustrer cette vision par la photographie que j’ai choisie dans son œuvre.
Plus tard mon père dira: « c’est toi face au mur blanc, le mur vide de ta vie que tu dois remplir ». Je pense que c’est lui qui avait raison, remplir ce mur blanc, faire sa vie, dans l’état dans lequel j’étais c’était impossible, donc effrayant, comme la page blanche pour un écrivain qui n’a aucune confiance en son talent, commencer à écrire serait prendre le risque d’échouer…
mais en réalité l’avantage avec une page blanche, un mur blanc, c’est que tu peux y mettre ce que tu veux.