Dans ma vie, j’ai commencé la musique jeune.
À 8 ans, ma mère souhaitait me faire faire une activité, et ce fut la musique.On me demanda alors de quel instrument je souhaitais jouer, je répondis alors « de la batterie ».
Pas parce que j’aimais cet instrument plus qu’un autre, mais parce que j’étais très timide, et que je pensais que derrière les tambours on ne me verrait pas… (j’avais pas pris en compte que j’étais du coup celui qu’on entendrait le plus).
Bien plus tard, vers mes 17 ans, je découvrais le piano, en tombais fou amoureux, et eu le rêve de devenir compositeur de musique orchestral.
Nous sommes en hiver 2014, je suis en première année d’études d’ingénieur du son à Paris.
Habitant en banlieue, j’étais obligé d’emprunter les transports en commun pour rejoindre mes cours.
J’adorais ça, surtout le RER, j’avais l’impression d’être un vrai parisien, comme mon frère.
Durant ces trajets, je ressentais une atmosphère singulière, ces tags, ce béton, ces rails, une culture de la street se dégageait violemment de cet environnement.
Si je devais la caractériser en musique je dirais sans hésiter une ambiance à la Mobb Deep - Shook Ones.
Le trajet durait une trentaine de minutes que j’occupais sur mon vieux 3GS (ce qui ne rajeunit pas), avec une application, beat maker, ni plus ni moins un sampler de 16 pad lançant des boucles sonores.
En parcourant les sons, j’en remarquais deux qui se mariaient particulièrement bien à mes yeux et que je prenais plaisir à jouer sans but.
C’est à ce moment précis, sans le savoir, que la création de ce qui sera ma première vraie composition a commencé.
Les mois passèrent et un élément a bouleversé ma vie, un soir, alors que j’étais seul chez mes parents, j'ai eu une crise d’angoisse, une terrible crise d’angoisse, extrêmement forte et incontrôlable, tellement que je compris mieux d’un seul coup le tableau « le cri ».
J’avais déjà vécu des crises d’angoisses, je me suis donc dit assez naturellement demain ça passera. Le lendemain sans grande surprise, cette angoisse latente était encore présente.
Pourquoi? Pourquoi je ressens cette douleur dans mon esprit? Pourquoi ne passe-t-elle pas comme d’habitude?
Parce que cette fois rien ne l’avait annoncée, rien ne l’avait provoquée ou du moins rien que je pouvais discerner, donc potentiellement, tout pouvait en être la cause:
voilà comment se crée la phobie de la peur elle-même.
J’arrêtai du jour au lendemain de faire tout ce qui pouvait provoquer une expérience similaire, balayant de ma vie tout événement négatif mais également positif, tout bouleversement d’état d’esprit pouvant engendrer une crise de panique, me créant une vie sans surprise, sans étonnement, sans joie, sans peine, sans rien.
Petit à petit, tu comprends ne plus pouvoir faire les choses simples que tu faisais avant, et tu te regardes également perdre les choses que tu aimais, comme enfermé dans une pièce qui se rétrécit et se vide de tes biens.
J’avais souvent le sentiment que c’était une personne qui me prenait tout, j’étais déchiré à chaque concession, mais j’y étais contraint.
L’une d’elle fût d’arrêter de jouer du piano, j’étais obligé, parce que je vivais un rapport passionné avec lui, et qu’à chaque morceau que je jouais je ressentais énormément d’émotions, je ne pouvais pas prendre le risque qu’une émotion de tristesse me déclenche une angoisse.
Mais il faut croire que la passion est plus forte que tout puisque quelques mois plus tard, comprenant que je ne pourrais pas créer de musique orchestrale dans cet état, je réécoutais les deux petites boucles par hasard présentes sur mon portable et spontanément je créais une musique avec celle-ci..
Cette musique c’est White wall.
Le mur blanc, ce béton brut, sans rien dessus, ce grand espace vide, lisse, beau de par sa seule existence, juste pour ce qu’il est, sans artifice.
J’aimais cette image minimaliste au sens simple de la représentation d’un être, et qui mieux que le Corbusier pour illustrer cette vision par la photographie que j’ai choisie dans son œuvre.
Plus tard mon père dira: « c’est toi face au mur blanc, le mur vide de ta vie que tu dois remplir ». Je pense que c’est lui qui avait raison, remplir ce mur blanc, faire sa vie, dans l’état dans lequel j’étais c’était impossible, donc effrayant, comme la page blanche pour un écrivain qui n’a aucune confiance en son talent, commencer à écrire serait prendre le risque d’échouer...
mais en réalité l’avantage avec une page blanche, un mur blanc, c’est que tu peux y mettre ce que tu veux.
composition: Notseig
mixage: Nosanta
sample: mathveig badinsky
Avril 2014